Guides pratiques

Les guides pratiques proposent un focus sur un sujet précis pour offrir une explication ciblée ou des conseils à visée pratique.
 

Le dernier guide pratique

GUIDE PRATIQUE DE MARS 2024 - Le risque suicidaire chez les patients ayant une addiction sexuelle

Si certaines addictions ne sont aujourd’hui plus vraiment taboues, d’autres, comme l’addiction sexuelle, sont encore peu évoquées en public ou dans les médias, et restent mal perçues. Pourtant, l’addiction sexuelle est bel et bien une pathologie, au même titre que les autres addictions comportementales, et celle-ci peut plonger celui qui en est victime dans une grande solitude, entremêlée de sentiments de culpabilité ou de honte, voire d’états dépressifs qui peuvent parfois conduire à un risque suicidaire.

Qu’est-ce que l’addiction sexuelle ?

Le concept a été popularisé suite à la parution de l’ouvrage « Out of the shadows : understanding sexual addiction » de Patrick Carnes, en 1983. Aujourd’hui, malgré la multiplication d’études sur le sujet, il n’existe pas de définition consensuelle (1). Toutefois, Aviel Goodman a proposé dès 1992 de définir l’addiction sexuelle comme « un trouble dans lequel un comportement sexuel, dont la fonction est à la fois de procurer du plaisir et de soulager un malaise interne, est utilisé dans un modèle caractérisé par (1) l’échec récurrent pour contrôler le comportement sexuel et (2) la poursuite du comportement sexuel en dépit des conséquences négatives importantes ». Si le comportement sexuel est pratiqué au début pour procurer du plaisir, la situation change lorsqu’une addiction s’installe. Petit à petit, le comportement sexuel devient l’unique solution pour soulager les sentiments négatifs (culpabilité, honte, tristesse, faible estime de soi), alimentant le cercle vicieux de l’addiction (le comportement addictif produit des sentiments négatifs, qui ne peuvent être soulagés que par la réalisation du comportement à nouveau). Les pulsions sexuelles sont difficiles à contrôler, malgré les conséquences négatives toujours plus importantes pour la personne et/ou ses proches.
L’addiction sexuelle peut concerner différentes formes de pratiques sexuelles : la masturbation compulsive, le besoin impérieux de séduire, la multiplication des partenaires sexuels, le recours répété à la prostitution, un visionnage excessif de contenus pornographiques, les filtres sexuels (interprétation de chaque situation de la vie quotidienne sous l’angle érotique et sexuel), etc. C’est en général une addiction qui touche principalement les hommes, avec un ratio de 4 hommes pour 1 femme en moyenne, bien que les chiffres concernant les femmes soient peu connus, ces dernières n’osant pas dévoiler qu’elles souffrent de ce trouble de peur d’être stigmatisées. La majorité des patients a entre 25 et 35 ans et a connu l’explosion d’Internet, qui a grandement facilité l‘accès aux contenus pornographiques (accessibles 24h/24 et 7j/7, souvent gratuits, et très diversifiés), et surtout de façon anonyme. Il est possible de faire le point sur une potentielle addiction sexuelle en réalisant un auto-test avec le test de Carnes (25 questions) : https://www.addictaide.fr/parcours/carnes/

Les conséquences sur la vie quotidienne

Pour les personnes souffrant d’addiction sexuelle et étant en couple, l’une des premières conséquences perceptibles du trouble est l’impact sur les relations de couple, mises à mal par le comportement sexuel excessif et parfois jugé « déviant » par le/la conjoint(e). Le ressenti de trahison par le/la conjoint(e), en cas d’adultère notamment, couplé à l’incapacité de la personne à stopper son comportement sexuel excessif, peuvent conduire à une séparation, avec des impacts négatifs au niveau émotionnel, psychique et financier. Par ailleurs, les pensées de la personne souffrant d’addiction sexuelle vont être envahies constamment par ses envies sexuelles, qui vont prendre toute la place et contraindre la personne à mettre d’autres pans de sa vie de côté, ce qui peut fragiliser encore davantage des relations de couples déjà durement impactées, ou impacter la sphère professionnelle (absentéisme, manque de productivité, etc.) ou amicale (isolement, arrêt des sorties, etc.). De plus, la recherche permanente de stimulations sexuelles peut aussi amener à une prise de risque (rapports non protégés, pratique du « chemsex » (2), etc.) pouvant impacter la santé physique (infections sexuellement transmissibles notamment (3)) ou la situation financière (endettement suite au recours répété à des prostituées par exemple). Enfin, d’autres conduites addictives (troubles de l’usage d’alcool ou d’autres substances notamment) ou d’autres troubles mentaux (troubles dépressifs ou anxieux surtout) peuvent également se surajouter et accentuer le mal-être ressenti.
Ainsi, comme toute addiction, l’addiction sexuelle induit des conséquences négatives très importantes dans tous les domaines de la vie, pour la personne qui en souffre mais aussi pour ses proches. Ces conséquences négatives sont renforcées par le tabou entourant cette addiction en particulier, rendant difficile de mettre au courant son entourage et contribuant à l’isolement de la personne. L’ensemble de ces conséquences négatives peuvent parfois pousser à envisager le suicide.

Le risque suicidaire

En France, on estime à près de 200 000 le nombre de tentatives de suicide par an, avec environ 20 tentatives de suicide pour un décès. Le risque suicidaire est majoré pour les personnes ayant déjà fait une tentative de suicide (75% de récidives dans les 6 mois) et concerne davantage les hommes que les femmes. La « crise suicidaire » est un état de trouble psychique aigu, caractérisé par la présence d’idées noires. Lors de cette crise, la personne est confrontée à de grandes souffrances et ne trouve pas en elle-même les ressources suffisantes pour les surmonter, se sentant dans une impasse telle que la mort lui apparaît comme la seule solution à sa souffrance. Il s’agit d’une véritable urgence psychiatrique. Les addictions, dont l’addiction sexuelle, représentent des facteurs de risque de suicide.
Une équipe de chercheurs nantais a souhaité évaluer la fréquence du risque suicidaire dans une cohorte (4) de patients consultant pour une addiction sexuelle. Parmi les patients inclus, 40% avaient déjà fait des tentatives de suicide, fréquence 10 fois plus importante que celle retrouvée en population générale en France (4%) (5). Cette fréquence semble aussi plus importante que dans d’autres addictions comportementales, ce qui peut s’expliquer par le poids du tabou, de la honte et de l’isolement propres à cette addiction, et qui peuvent être un véritable déclencheur de pensées suicidaires.

La prise en charge thérapeutique

La priorité est d’estimer l’urgence de la situation. Si le risque suicidaire est avéré, un médecin devra évaluer l’urgence de la menace et la dangerosité du scénario suicidaire. Une hospitalisation pourra être proposée si nécessaire.
Quand il n’y a pas de risque suicidaire avéré, il est tout de même primordial d’être suivi par une équipe pluridisciplinaire spécialisée qui pourra prendre en charge votre addiction sexuelle (6). Une psychothérapie pourra être mise en place pour travailler sur l’analyse de sa pratique et repérer les situations à risque, et des comportements alternatifs sont en général encouragés (évitement, relaxation…). En complément, il est aussi possible de participer à des groupes d’entraide, comme ceux dédiés spécifiquement à l’addiction sexuelle organisés par l’association DASA (7). Enfin, le patient pourra également choisir de consulter un sexologue et/ou d’entamer une thérapie de couple, pour que le-a conjoint-e soit aussi pris en charge et que la personne dépendante se sente soutenue, le manque de soutien pouvant augmenter le risque suicidaire.

Comment réagir ?

Si vous sentez que votre vie ou celle d’un proche est menacée, vous pouvez appeler le 112 ou la cellule d’urgences médico-psychologiques de votre ville. Il existe également un numéro d’appel, le 3114, qui permet la prise en charge des personnes ayant des idées suicidaires et de leur entourage, depuis les premières idées de mort jusqu’à la crise suicidaire. Il est important de pouvoir reconnaître les signes du risque suicidaire et de savoir comment aider votre proche dans un tel cas (https://www.ameli.fr/loire-atlantique/assure/sante/urgence/pathologies/crise-suicidaire-tentative-suicide ), et comment le repérer selon l’âge de l’individu (https://www.has-sante.fr/jcms/c_271964/fr/la-crise-suicidaire-reconnaitre-et-prendre-en-charge). Il est également possible de se former en secourisme en santé mentale https://www.pssmfrance.fr/etre-secouriste/.

(1) Notre article sur le sujet 
(2) Prise de substances chimiques pendant et pour les relations sexuelles.
(3) Sida Info Service 0 800 840 800 (gratuit, 7j/7, de 8h à 23h ; que vous soyez séronégatif-ve, séropositif-ve, malade ou proche d'une personne touchée, que vous n'ayez pas fait le test de dépistage ou que vous soyez en attente de résultats).
(4) Cohorte (une cohorte consiste à suivre dans le temps un groupe de personnes ayant la même pathologie) Evaladd, près de 200 patients suivis entre 2013 et 2022.
(5) Source : Observatoire National du Suicide, 2022.
(6) Annuaire Centre de soins
(7) Dépendants Affectifs et Sexuels Anonymes France (https://dasafrance.fr/reunions-liens/), réunions en présentiel et en visio.

Pour en savoir plus :

  • Livre « Sexe sans contrôle, surmonter l’addiction », Dr François-Xavier Poudat, Marthylle Lagadec.
  • Le numéro national de prévention du suicide : 3114 (gratuit, 7j/7 et 24h/24 ; https://3114.fr/ (site de conseils et de ressources pour les personnes en souffrance et leurs proches)
  • Le dispositif de recontact VigilanS (https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale/la-prevention-du-suicide/article/le-dispositif-de-recontact-vigilans (dispositif dont le but est de faire baisser le nombre de récidives de tentatives de suicide ; toute personne hospitalisée pour une tentative de suicide se voit proposer son inclusion dans le dispositif, avec la remise d’une carte avec les contacts de soignants disponibles en cas de besoin, tandis que le médecin traitant est prévenu que le patient entre dans le dispositif)
>> Télécharger le guide pratique de mars

Relire nos précédents guides pratiques

Avril 2023 - Comment se protéger des risques liés aux pratiques potentiellement addictives ? Les bons réflexes
Chacun réagit à sa façon face aux événements et aux émotions. En effet, les réactions sont liées à de multiples facteurs : elles dépendent notamment de notre histoire, de nos ressources intérieures et des interactions entre les deux. Comment se protéger et éviter de trouver un refuge dans des pratiques addictives ? Ce dossier présente les bons réflexes à adopter de manière préventive.

» Consulter le guide

Mai 2023 - Les bonus dans les jeux de hasard et d’argent : bénéfice ou pure perte ?
L’offre de jeux de hasard et d’argent se développent énormément, en particulier sur Internet, et on estime qu’entre 1 % et 5.8 % des joueurs sont susceptibles de développer une addiction qui peut entraîner de graves conséquences. Pour fidéliser les joueurs, les sites de jeux en ligne utilisent des techniques commerciales incitatives, dont les bonus font partie. Quel est leur principe ? À quoi servent-ils ? Quels sont les risques qui leur sont liés ? On vous explique tout.

» Consulter le guide

Juin 2023 - Achats compulsifs, comment limiter les risques, notamment en période de soldes ?
De nombreuses personnes souffrent d’un problème d’achats compulsifs et il n’est pas toujours facile d’en parler ni même parfois de l’identifier. Les nombreuses sollicitations en ligne rendent le quotidien difficile, en particulier en période de soldes. Quelles sont les causes de cette addiction ? Comment limiter les dégâts et comment s’en sortir ? Ce guide pratique vous aide à y voir plus clair et vous offre quelques pistes pour aller mieux.

» Consulter le guide

Juillet 2023 - La face cachée des vomissements dans la boulimie : comment réduire les risques associés ?
La boulimie est une maladie qui se caractérise par des crises durant lesquelles le patient perd le contrôle et absorbe une grande quantité de nourriture en peu de temps. Ces pulsions sont suivies de comportements compensatoires, dont notamment les vomissements, pour environ la moitié des personnes atteintes.
Ces vomissements provoqués engendrent de nombreuses conséquences néfastes qui viennent s’ajouter aux complications de la boulimie sur le plan physique, psychique et social.

» Consulter le guide

Septembre 2023 - Exposition des jeunes aux écrans : risques associés et conseils pour limiter leur impact
La rentrée scolaire de septembre est l’occasion idéale pour instaurer de nouvelles habitudes quotidiennes en cohérence avec la santé des enfants. L’usage des écrans par les jeunes est une question récurrente, que l’exposition soit volontaire ou non. Quels sont les risques d’une exposition excessive des enfants aux écrans ? À quel moment peut-on parler de surexposition ? En tant que parents, que peut-on faire au quotidien pour prévenir les risques associés et préserver la santé des enfants et adolescents ?

» Consulter le guide

Octobre 2023 - L’addiction au sport, ça existe ?
Elle peut paraître étrange et pourtant, l’addiction au sport existe. Elle est couramment appelée bigorexie. La pratique excessive du sport peut avoir des conséquences aussi néfastes et difficiles à vivre que toute autre addiction comportementale.

» Consulter le guide

Novembre 2023 - Mon enfant/adolescent perd du poids, est-il anorexique ? Des clés pour repérer les signes de ce trouble du comportement alimentaire
Votre enfant/adolescent a de plus en plus de mal à prendre ses repas et il perd du poids ? Il attache une importance démesurée à son apparence ou il a une mauvaise image de lui-même ? Il souffre peut-être d’anorexie mentale. En tant que parents, il est parfois difficile de repérer un trouble du comportement alimentaire. Voici quelques informations pour vous aider à repérer certains signes évocateurs d’anorexie mentale chez votre enfant.

» Consulter le guide

Décembre 2023 - Cryptomonnaies et speed trading, le mirage de l’argent facile
Bitcoin, cryptomonnaie, speed trading, crypto-actif ou encore blockchain sont encore des concepts un peu vagues pour le grand public, mais ils font pourtant référence à des pratiques qui peuvent donner lieu à des comportements excessifs ou addictifs.
Nous vous expliquons ici ce que sont les cryptomonnaies et le speed trading, et en quoi leurs mécanismes peuvent avoir des similitudes avec les troubles addictifs comme le jeu d’argent pathologique.

» Consulter le guide

Janvier 2024 - Entamer une démarche de soins : quelques clés pour vous aider à franchir le pas
Les fêtes de fin d’année peuvent être sources de tensions familiales, notamment lorsqu’un des membres de la famille souffre d’une addiction comportementale. En effet, les troubles addictifs peuvent avoir des conséquences importantes sur la vie affective et familiale. Malgré les difficultés qu’ils peuvent provoquer, il est possible de se rétablir de ces troubles. De nombreuses structures de soin sont répertoriées en France et peuvent vous venir en aide si, en ce début d’année, votre résolution est de vous faire aider.

» Consulter le guide

Février 2024 - Mon enfant est accro à son téléphone portable et aux jeux vidéo, comment puis-je limiter son temps d’exposition aux écrans ?
Votre tout-petit râle déjà quand vous lui retirez la tablette ? Votre enfant passe tout son temps sur son portable ? C’est la guerre pour faire décrocher votre ado de sa partie de jeu vidéo en ligne au moment des repas ? Vous vous inquiétez par rapport à la quantité de lumière bleue émise par tous ces écrans, et leurs possibles conséquences sur son sommeil et ses résultats scolaires ? Nous vous donnons quelques clés pour mieux comprendre la dépendance aux écrans et comment la limiter.

» Consulter le guide