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ARTICLE DE MAI 2025 - Addiction à la sexualité digitale : que nous disent les digisexualités ?
Retrouvez ci-dessous la synthèse de l'article du mois.
Pourquoi avoir fait cette recherche ?
La consommation problématique de pornographie en ligne est aujourd’hui bien reconnue comme un symptôme majeur du trouble du comportement sexuel compulsif (TCSC). Mais qu’en est-il des autres formes de sexualité numérique ? L’équipe de l’Université de Duisburg-Essen en Allemagne s’est intéressée à ce que l’on appelle les « digisexualités » : un ensemble de comportements sexuels liés aux technologies, depuis la pornographie en ligne et le sexting (première vague), jusqu’aux usages plus récents comme la pornographie en réalité virtuelle ou les robots sexuels (seconde vague). Elle visait à comprendre leur prévalence dans la population allemande, leur lien avec le TCSC et leur évolution selon les générations.
Quel est le but de cette recherche ?
Trois objectifs guidaient ce travail :
- Mesurer la fréquence des comportements digisexuels dans une large population.
- Étudier les différences d’usage entre générations.
- Évaluer le lien entre ces comportements et les symptômes de TCSC.
Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?
L’étude repose sur une enquête en ligne menée en 2023 auprès de 3 564 personnes résidant en Allemagne. L’échantillon a été construit pour refléter la diversité de la population selon l’âge, le sexe et la région. Les participants ont répondu à un questionnaire mesurant :
- Leur usage de différentes formes de digisexualités.
- Leur niveau de comportement sexuel compulsif via l’échelle CSBD-19.
- Des données sociodémographiques (âge, sexe, orientation sexuelle, etc.).
Les digisexualités ont été classées en deux vagues :
- Première vague : pornographie, sexting, applications de rencontre.
- Seconde vague : pornographie en réalité virtuelle (VR) et utilisation de sex dolls ou robots sexuels.
Quels sont les principaux résultats à retenir ?
Les digisexualités sont des comportements très répandus : 66.1 % des répondants ont déclaré avoir déjà consulté de la pornographie, 30.1 % ont envoyé des sextos, 28.7 % ont utilisé des applis de rencontre. Cela a permis d’identifier également des usages émergents : seuls 5.3 % ont regardé de la pornographie en VR et 3.9 % ont utilisé un robot ou des sex dolls. Les digisexualités de seconde vague concerneraient avant tout les jeunes générations, ces pratiques sont bien plus fréquentes chez les moins de 35 ans, notamment la Gen Z.
Il existe un lien fort des digisexualités avec le TCSC, elles sont toutes positivement corrélées avec les scores élevés de TCSC, en particulier les rencontres sexuelles via applications (r = 0,529) et l’usage de sex dolls (r = 0,452). En outre, les corrélations croisées sont importantes, celles et ceux qui pratiquent une digisexualité sont souvent aussi utilisateurs d'autres formes (ex. : pornographie + sexting + robot).
Les auteurs rappellent que la sexualité numérique ne se limite donc pas à la pornographie : une diversité de technologies propose aujourd’hui des expériences sexuelles simulées, immédiates, disponibles et parfois addictogènes. Or ces usages sont fréquemment associés à une perte de contrôle du comportement sexuel, une caractéristique du TCSC. Cela questionne sur l’existence d’offres technologiques toujours plus immersives et donc potentiellement plus addictogènes. L’étude attire aussi l’attention sur la co-occurrence entre sexualité compulsive et les pratiques à risque, comme le chemsex, dont les liens avec les usages numériques et les applications sont bien documentés.
L’essor rapide de l’intelligence artificielle et des dispositifs sexuels sur mesure laisse entrevoir l’émergence d’une troisième vague de digisexualité. Cela impose aux professionnels de le santé mentale et particulièrement aux addictologues de rester vigilants face à ces nouvelles formes de comportements, et de penser des outils d’évaluation et de prise en charge adaptés, comme cela a été fait pour la consommation de pornographie.
Enfin, les auteurs soulignent aussi que les comportements digisexuels ne doivent pas être automatiquement pathologisés : ils peuvent aussi répondre à des besoins d’exploration, d’éducation sexuelle ou d’inclusion. Mais leur association fréquente avec de la souffrance (isolement, perte de contrôle, relations superficielles) appelle à avoir une approche centrée sur le vécu de la personne, de façon nuancée, tout en repérant d’éventuels signes cliniques de pathologie associée.
Les points clés à retenir
Plus d’informations sur cette recherche :
Desbuleux, J. C., Desbuleux, J. F. M., & Fuss, J.
Prevalence of first- and second-wave digisexualities in Germany and their relation to Compulsive Sexual Behavior: Findings from a National Online Survey. Journal of behavioral addictions, June 2025
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La prolifération des plateformes de streaming numérique a fait du visionnage de jeux vidéo une forme de divertissement très accessible. Sur des plateformes comme Twitch, initialement dominées par des diffusions de jeux vidéo, les jeux de hasard et d’argent (JHA) ont émergé comme l’une des catégories les plus regardées, surpassant même des jeux vidéo très populaires. Bien que Twitch ait mis en place des restrictions sur les diffusions liées aux JHA, celles-ci restent omniprésentes. De nouvelles plateformes de streaming, comme Kick, ont réussi à attirer un public adepte des JHA en évitant de telles restrictions.
Plus de 20% des patients suivis pour un trouble addictif (trouble de l’usage de substances ou addictions comportementales) seraient concernés par le TDAH (Trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité). La présence d’un TDAH est associée à un trouble de l’usage de substances plus précoce et plus sévère.
L’impulsivité propre au TDAH constitue un facteur de risque majeur de développer des troubles addictifs, et spécifiquement à la période de l’adolescence où l’impulsivité est souvent exacerbée (favorisant des comportements à risque) et peut s’associer à des désordres émotionnels et des difficultés d’individuation. Le comportement addictif peut constituer une stratégie de gestion des émotions négatives (dysrégulation émotionnelle propre au TDAH) et peut faire office « d’automédication » (exemples : canalisation de l’hyperactivité dans le cadre de la consommation de substances, amélioration des troubles de l’attention grâce aux stimulations proposées par les jeux vidéo).
Quelles sont les conduites à tenir en cas de présence simultanée de TDAH et d’addiction(s) ? Est-ce que cette complexité peut finalement constituer un levier thérapeutique ?
Bien que le trouble du jeu de hasard et d’argent soit un problème majeur dans le monde et que sa prévalence soit en augmentation, il n’existe pas encore de traitement pharmacologique ou en neuromodulation validé pour soigner cette addiction comportementale, notamment du fait de connaissances insuffisantes sur les réseaux cérébraux altérés. Cette étude visait ainsi à explorer les anomalies de certains réseaux cérébraux connus dans les troubles de l’usage de substances chez des patients souffrant de trouble du jeu de hasard et d’argent.
Avec près de 5 milliards de joueurs par jour, et la présence d’éléments immersifs rendus possibles par l’essor des avatars et des mondes virtuels, le jeu vidéo en ligne connait un engouement majeur, sans cesse renouvelé. La connexion qu’un joueur peut entretenir avec son avatar peut apporter des effets positifs comme négatifs, et cette étude explore le risque d’usage problématique des jeux vidéo en ligne en fonction de ce lien entre le joueur et son avatar.
Alors que le lien entre le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et le trouble de l’usage des substances a fait l’objet de nombreuses études scientifiques, une équipe de chercheurs italiens a cherché à établir la prévalence de patients ayant un TDAH associé à une addiction comportementale.
Dans le domaine des troubles liés aux jeux de hasard et d’argent (JHA), le concept de rétablissement (« recovery ») a gagné en importance ces dernières décennies. Cependant, un consensus quant à sa définition fait défaut. Une revue de littérature a donc été menée pour dresser un état des lieux de la recherche sur ce sujet et en identifier les lacunes.
Dans les années 50-60, la recherche sur les psychédéliques était très développée, mais elle fut rapidement arrêtée pour des raisons politiques et juridiques. Depuis les années 90, les recherches ont repris, et, ces 20dernières années, de plus belle encore, grâce aux découvertes dans le domaine des neurosciences mais aussi grâce à des évolutions d’ordre politique et sociétal.
Des chercheurs ont voulu savoir si la thérapie assistée par les psychédéliques dits classiques (LSD, psilocybine et DMT), qui ont prouvé leur efficacité dans le traitement de troubles mentaux (y compris les troubles addictifs) ne répondant pas bien aux traitements habituels, pourrait être envisagée comme traitement à destination des personnes souffrant de troubles addictifs liés aux jeux de hasard et d’argent.
Chaque type de jeu de hasard et d’argent a un potentiel pour générer des dommages (conséquences négatives) différent. Malgré une offre de jeux d’argent en constante évolution et de plus en plus diversifiée, peu d’études ont été menées concernant l’évolution et les tendances des types de jeu ayant le plus de conséquences négatives sur la vie des joueurs et de leurs proches. Des chercheurs de trois pays nordiques ont décidé de se pencher sur la question.
Avec actuellement une prévalence de ces troubles à hauteur de 3 à 6% dans la population générale, et étant 3 à 5 fois plus fréquente chez les hommes que les femmes, une équipe de chercheurs français a publié une revue de littérature d’études effectuées sur les comportements sexuels problématiques afin d’établir si les critères définissant habituellement les troubles liés à l’usage de substances peuvent s’appliquer à ces comportements et ainsi les définir comme relevant de l’addiction.
Cette synthèse présente les principaux résultats à retenir.
Une équipe de chercheurs chinois et américains a fait une synthèse des résultats des études sur le traitement de l’usage pathologique des jeux vidéo sur Internet publiées au cours des dix dernières années, et mis en avant les stratégies à mettre en place dans les futures recherches.
Cette synthèse présente les principaux résultats à retenir.